La filière cacao en Haïti implique plus de 20 000 familles paysannes parmi les ménages les plus vulnérables du pays, pour qui la production de cacao constitue environ 40% de leurs revenus et une source majeure de trésorerie. Parce que cultivé dans des jardins boisés et en association avec de nombreux bois et autres cultures, le cacao joue un rôle important dans la sécurité alimentaire, la réduction de l’érosion, le maintien de la fertilité et de la biodiversité, la séquestration de carbone, … Le verger haïtien ne contient par ailleurs pas de variétés de cacaoyers hybrides ; les arbres cultivés sont des variétés anciennes, criollo et trinitario, typiques des Caraïbes. Réputées pour leur finesse et leurs arômes puissants, ces fèves sont principalement destinées à la chocolaterie haut de gamme, à l’instar du criollo qui ne représente que 5% de la production mondiale, et qui s’avère donc une variété recherchée. Pourtant, les 4 000 tonnes de fèves de cacao récoltées chaque année en Haïti sont mal valorisées sur le marché mondial et subissent une forte décote. Là où d’autres pays des Caraïbes (Trinidad, République Dominicaine, etc.) profitent de cette manne, Haïti, qui a le triste privilège d’être le pays le plus pauvre de l’hémisphère Nord, retire de sa production de cacao un revenu bien faible en comparaison. Les raisons ? Ces fèves haïtiennes ne sont pas fermentées. Pour obtenir un produit de qualité, la fermentation des fèves de cacao est une étape primordiale. Car c’est elle qui libère les « précurseurs » d’arômes. La conséquence est assez simple : la production haïtienne s’exporte sur le marché américain à un prix très bas, où elle est assemblée avec d’autres origines pour des produits chocolatés ordinaires. Le marché européen qui exige des cacaos fins fermentés boude cette production. Et les petits producteurs haïtiens en font les frais, eux qui vivent pourtant dans de grandes situations de précarité et pour qui ce cacao reste fondamental pour assurer leur sécurité alimentaire ou parfois tout simplement leur survie !
Au Nord, la FECCANO : une fédération paysanne pionnière qui exporte un cacao de qualité !
C’est en 2008 qu’AVSF initie sa coopération avec la Fédération des coopératives cacaoyères du Nord (FECCANO) et forme les petits producteurs aux techniques de fermentation. Le cacao haïtien retrouve ainsi ses lettres de noblesse. Là où il n’était qu’un cacao bas de gamme et ordinaire, il devient un cacao d’exception, un grand cru recherché. Grâce à notre partenaire Ethiquable, il arrive en France pour la première fois et est commercialisé en tablettes de chocolat « pur origine Haïti 72% cacao » ! Des chocolatiers français de renom s’intéressent aujourd’hui à cette production paysanne, dont plus récemment le chocolatier Valrhona.
Soutenu depuis 2009 par le Conseil Départemental des Hauts-de-Seine (CD 92), le projet PROCACAO bénéficie ainsi à plus de 3000 producteurs de cacao, hommes et femmes, regroupés dans les 8 coopératives de la Fédération et leurs familles. Depuis 4 ans, AVSF a permis l’installation de plusieurs centres de fermentation du cacao, collecte, séchage et conditionnement : la fédération a pu augmenter sa capacité de transformation du cacao de 250 tonnes par an. AVSF forme également les producteurs des 8 coopératives sur les techniques de régénération agroécologique des jardins cacaoyers : plus de 30 hectares ont déjà été régénérés. AVSF a soutenu la Fédération pour l’obtention et le contrôle des certifications « commerce équitable et « biologique » et plus de 1700 producteurs ont ainsi été certifiés « bio ». Enfin, AVSF œuvre au renforcement des capacités techniques et commerciales de la Fédération et à la formation permanente de leaders et cadres des coopératives en gestion et administration.
Grâce à l’introduction par AVSF des procédés de fermentation du cacao et l’accès aux marchés du commerce équitable, la FECCANO est devenue la 1ʳᵉ organisation haïtienne à exporter du cacao fermenté de qualité et aujourd’hui biologique en Europe. Un gain économique fort pour les producteurs des coopératives : en 2018, la FECCANO offrait un prix moyen de 2,7 USD le kilo de fèves de cacao fermenté, séché et exportable tandis que le prix offert par les exportateurs traditionnels, s’élevait à moins de 1 USD / kilo. L’ensemble de ces actions ont permis de revaloriser le cacao haïtien sur le marché international. Elles ont également obligé les exportateurs traditionnels ou de nouveaux acteurs privés sur la filière cacao à relever leur prix d’achat aux petits producteurs.
Les coopératives membres sont toutes économiquement autonomes et leur Fédération, la FECCANO, se rapproche de ses objectifs d’autonomie financière grâce à un volume de cacao commercialisé qui a atteint près de 200 tonnes sur la campagne 2017-2018 et devrait encore augmenter dans les années à venir.
Dans la Grande-Anse : structurer les coopératives de petits producteurs
Le projet PROCACAO intervient maintenant depuis 2017 dans la Grande-Anse. L’objectif ? utiliser les acquis et succès de l’expérience menée au Nord pour soutenir la structuration d’associations de cacaoculteurs de la Grand Anse et appuyer la relance de la production suite au terrible passage de l’ouragan Matthew en 2016 qui avait ravagé le territoire. Le projet PROCACAO travaille actuellement avec quatre jeunes coopératives : COPDAH, CAPI, CAPDAM et COARDI. Plus de 300 ha de jardins cacaoyers devraient être nettoyés dans 4 communes de la Grande Anse après le passage de l’Ouragan Matthew : d’ores et déjà plus de 12.000 plantules de cacao et 1.500 plantules d’arbre de couverture ont d’ores et déjà été distribués.
Un programme de certification bio a été lancé et 300 producteurs membres de la CAPI et de COPDAH devraient être certifiés à la fin de l’année 2019, pour initier une expérience de fermentation, collecte et exportation sur les marchés rémunérateurs du commerce équitable européen dès la saison 2020. AVSF soutient CAPI et COPDAH dans l’acquisition des infrastructures requises : centre de fermentation, aire de séchage, entrepôt.
Lire notre tribune « 20 ans après, le commerce équitable sert-il encore à quelque chose ? »