
Basée à Abidjan, Léonce YAMEOGO a rejoint l’équipe d’AVSF Côte d’Ivoire en janvier 2025. Elle vient étoffer l’équipe du Programme Équité, un projet d’envergure qui vise à développer le commerce équitable au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana, et au Togo, mené avec Commerce Équitable France. Démarré en 2016, le programme entre désormais dans une troisième phase où la question de la lutte contre les inégalités de genre occupe une place centrale.
Pour commencer, comment qualifierais-tu la situation des femmes paysannes en Afrique de l’Ouest ?
La situation est complexe et multidimensionnelle. Les femmes sont majoritairement analphabètes et sont peu représentées dans les instances de gouvernance. Elles ont également des difficultés d’accès aux ressources, comme les crédits et la terre. Sur le plan socio-culturel, elles sont perçues comme des éternelles étrangères.
En tant que jeunes filles, on leur refuse l’accès à la propriété foncière rurale car elles sont appelées à quitter leur famille d’origine pour rejoindre celle de leur futur époux. Une fois mariées, la famille de leur époux leur refuse à nouveau la propriété parce qu’elles ne sont pas de la même lignée. Elles n’ont accès à la terre que par le biais d’une personne de sexe masculin : leur père, leur frère ou leur fils. Le plus souvent, elles font des emprunts de lopin de terre, qui sont généralement incultivables. Lorsqu’elles arrivent à fertiliser ladite terre, le propriétaire peut la leur retirer de manière inopinée. En un mot, les femmes sont en insécurité foncière.
Pour reprendre les mots de Julius NYERERE, ancien président de la République de Tanzanie : « En Afrique, la femme trime toute sa vie sur une terre qu’elle ne possède pas pour produire ce qu’elle ne contrôle pas. Et si son mariage se termine par le divorce ou la mort de son mari, elle est renvoyée chez elle les mains vides ».
Est-ce que tu peux nous dire quelques mots de ton rôle dans le Programme Équité ?
Comme mentionné plus tôt, les deux premières phases du Programme Équité, ont mis en lumière un problème d’accès au foncier pour les femmes, malgré leur forte implication dans la production, la récolte, la transformation, la vente des produits des filières fruits, cacao, artisanat, anacarde et karité. De plus, nous avons relevé la faible représentativité des femmes dans les instances de gouvernance des organisations paysannes.
Au regard de ces enjeux, le poste que j’occupe actuellement a été créé dans le but de renforcer la prise en compte de l’égalité de genre et l’inclusion sociale dans la troisième phase d’Équité.
Dans un premier temps, un diagnostic va être réalisé en Côte d’Ivoire et au Ghana sur les filières cacao et fruits, avec le réseau Empow’Her. Sur la base des résultats, un plan d’action sera élaboré. Mon rôle sera de soutenir l’équipe et les partenaires du programme dans sa mise en œuvre (appui, développement d’outils, collecte de données, rédaction de notes et documents de capitalisation…)
Quels ont été les principaux résultats d’Équité 2 en matière de réduction des inégalités de genre ?
Equité 2 a permis de mettre en exergue les enjeux de genre et d’inclusion sociale en l’occurrence les inégalités d’accès aux ressources et aux opportunités pour les femmes, et le travail informel et dangereux des enfants dans les cacaoyères.
Aussi, l’école du leadership des femmes, mise en œuvre par Fairtrade Africa, a permis à 10 femmes d’accéder à la terre, la création de 14 comités sur l’égalité des sexes avec 14 politiques approuvées en la matière au sein des organisations de producteurs-ices, et l’élection de dix femmes à des postes de décision (conseil d’administration, comité exécutif et déléguées).
Et pour cette troisième phase, quelles sont les ambitions ?
Dans les phases précédentes du Programme Equité, c’est principalement l’école du leadership des femmes, qui faisait la promotion de l’égalité de genre. L’objectif des années à venir sera de renforcer et développer les capacités de formation sur le leadership et l’autonomisation sociale et économique des femmes au sein des organisations paysannes afin qu’elles acquièrent une expertise reconnue et puissent engager des actions de sensibilisation et de diffusion auprès des membres de leurs communautés.
Pour toi, le principal défi sera…
Selon moi, le principal défi sera d’amener la majorité des acteurs impliqués dans Equité 3 à institutionnaliser l’approche genre et avoir une transversalité de l’inclusion sociale dans toutes les activités et zones d’intervention d’Équité 3.