Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans la création d’une relation commerciale vertueuse et des engagements qui sont pris avec les producteurs ?
L’expérience de Biocoop, dans la création de relations vertueuses, réside dans la coopération et ce depuis ses débuts. C’est notre socle, notre conviction ! Notre monde pose le défi d’un profond changement de modèle, que seule la bio est en mesure de relever. Et ce défi, nous ne pourrons le relever qu’ensemble. Le modèle coopératif nous a permis au fil des années de créer une section agricole (20 groupements de producteurs à date et 2 producteurs sociétaires siègent au conseil d’administration) – en plus des sections magasins, consommateurs et salariés -. Nous avons, autour de la table, toutes les parties prenantes « de la fourche à la fourchette ». Ainsi, nous pouvons définir le partage de la valeur sur toute la chaîne et sortir de relations uniquement commerciales. Notre ambition est claire et affirmée : être l’un des acteurs majeurs de la transition vers un monde plus solidaire et responsable.
Le « ensemble » est au coeur de notre organisation, de notre projet sociétal.
Concrètement, en magasin, nous avons une marque («Ensemble») qui caractérise un cahier des charges commerce équitable Origine France, qui édicte ces règles de partage et de préoccupation autres qu’économiques. Ainsi, les producteurs s’engagent au 100% bio, à ne pas faire appel à des travailleurs détachés et la coopérative Biocoop reverse 1% du Chiffre d’Affaires de ces ventes aux groupements de producteurs pour leur structuration et leurs projets (cela a représenté près de 900 000€ en 2018).
Pensez-vous que le salut des agriculteurs se trouve dans les mains des consommateurs ? Et qu’une augmentation de la participation des citoyens aux décisions alimentaires et agricoles est nécessaire ?
Biocoop intègre le consommateur dans sa gouvernance et son conseil d’administration. C’est unique en Europe et important à souligner. Nous voulons bousculer les lignes en intégrant le consommateur dans le processus de partage de la valeur… Mais cela demande de la pédagogie. Ecouter la sensibilité première des consommateurs pourrait nous orienter uniquement sur des questions de prix. C’est ce qu’a fait la grande distribution et nous savons que cela nous a amené à de la destruction de valeur économique, environnementale et qualitative.
Aujourd’hui, les consciences ont changé : l’acte d’achat est un acte «politique». Nous pouvons orienter les productions, les provenances, relocaliser l’économie, encourager des modes de production comme le bio, etc. Il faut encourager le citoyen à faire ses courses comme il se rendrait aux urnes, plutôt que dans une simple logique de consommation.
Notre modèle politique n’est pas construit pour une participation active des citoyens sur les différents sujets. C’est pourquoi, la participation citoyenne ne pourra qu’être locale et coopérative. C’est la force d’un réseau comme Biocoop qui allie projets de territoire et enseigne nationale (avec charte et cahier des charges). Nous aurons besoin de notre classe politique qui manque malheureusement de courage pour les questions de mutations de société. Car au-delà du modèle agricole, c’est bien vers une mutation de la société qu’il nous faut nous engager. Et nous n’avons même plus une génération pour le faire. Cela nous concerne tous.