L’auteur Yves Roger-Machart est agronome et a travaillé pendant 20 ans à l’INRA. Adhérent depuis plus de 15 ans à AVSF, il a enquêté et actualisé ce rapport, qui sans être exhaustif permet de dessiner les grandes lignes de ce phénomène. Il nous raconte :
Qu’est-ce que l’accaparement des terres ?
Yves Roger-Machart : Entre 2008 et 2012, de très nombreux articles de journaux et des reportages télévisés ont parlé d’un phénomène relativement nouveau dans le monde, qui a été qualifié d’« accaparement de terres » : de nombreuses entreprises et fonds d’investissements, du Nord comme du Sud, obtenaient des concessions, louaient ou achetaient de grandes surfaces de terres agricoles aux quatre coins de la planète, et notamment en Afrique sub-saharienne, pour y développer des projets de production agricole.
Quelles sont les conséquences sur les agricultures paysannes du Sud et sur l’environnement ?
Les paysanneries vivent trop souvent dans des conditions de grande précarité, surtout en Afrique et en Asie où elles sont encore très nombreuses, et ne s’étant pas mécanisées, elles sont restées dans des situations d’agriculture de subsistance précaire, sans titres de propriété. Les concessions de terres aux grandes entreprises se font très souvent aux dépens de la paysannerie locale, privée de ses moyens de production et de survie, et sont source de violentes et nombreuses révoltes. Très souvent, les nouveaux grands projets agricoles sont aussi l’occasion de mettre en place des systèmes agricoles très intensifs qui portent atteinte à l’environnement.
Quel est l’objet de ce rapport et de sa réactualisation ?
Il nous avait semblé important de préciser quelle place jouait la France, à travers ses entreprises, dans ce mouvement ; pour cela, nous avions essayé en 2013 de recenser quelles entreprises étaient impliquées, pour quelles surfaces, pour quelles productions, et dans quels pays. La situation évoluant année après année, il nous a semblé opportun de réactualiser en 2020 ce recensement des entreprises françaises présentes dans l’agriculture à l’étranger.
Quelles surfaces sont concernées et dans quels pays ?
En 2017, le rapport international intitulé « Transactions foncières internationales dans le domaine de l’agriculture » mentionnait 1 204 transactions conclues portant sur 42,4 millions d’hectares, et 212 transactions prévues, non encore conclues, portant sur 20,2 millions d’hectares supplémentaires : cela fait 60,6 millions d’hectares, soit plus de 2 fois la surface agricole française.
La cible géographique de ces projets s’est un peu rétrécie au fil des ans, et les cibles les plus représentées seraient certains pays d’Afrique (Mali, Sénégal, Soudan du Sud, Éthiopie, Mozambique), d’Asie (Indonésie, Philippines, Pakistan), d’Amérique Latine (Brésil), d’Europe de l’Est (Russie, Ukraine, Roumanie) et du Pacifique (Australie, Nouvelle Zélande).
Quels intérêts ont les grands groupes français à investir dans du foncier à l’international ?
Les grands groupes français qui ont une dimension multinationale travaillent pour le marché français, mais aussi pour les marchés des nombreux pays où ils sont présents. Ils sont donc intéressés par des produits agricoles qui ne poussent pas en France (caoutchouc de l’hévéa, huile de palme, banane, ananas, canne à sucre…) ou qui poussent à des périodes différentes (légumes, fruits), mais aussi par des produits qui intéressent l’économie locale.
Quelles sont les principales observations en 2013 ?
Mêmes si les entreprises françaises ne sont pas à l’avant-garde dans le monde pour acquérir de nouvelles grandes concessions agricoles à l’étranger, elles sont cependant présentes en Amérique Latine, en Europe de l’Est, et en Afrique de l’Ouest dans les pays de langue française où plusieurs d’entre elles sont implantées de longue date.
Quelle est l’évolution depuis 2013 ?
Les surfaces agricoles contrôlées par les quelques grandes entreprises et sociétés d’investissement françaises présentes dans l’agriculture à l’étranger sont en nette augmentation ces dernières années. Par ailleurs, on voit apparaitre quelques nouvelles entreprises françaises, peu nombreuses, qui commencent à s’impliquer dans l’agriculture à l’étranger, dans le contexte de la mondialisation de l’économie.
Consultez l’intégralité du rapport : Les investissements agricoles des entreprises françaises à l’étranger.