Guide méthodologique
L’agroécologie est, de manière croissante, évoquée au cœur des discussions internationales sur le devenir des systèmes agricoles et alimentaires dans le monde, en apparaissant comme une des réponses pertinentes aux grands défis globaux en matière de développement économique et social et d’environnement, largement reflété́ dans les Objectifs de Développement Durable (ODD) : amélioration des performances des systèmes agricoles et alimentaires, sécurité́ alimentaire et nutritionnelle, environnement, climat, emploi, migrations, résilience et adaptation des populations rurales vulnérables au changement climatique.
L’agroécologie répond à plusieurs principes fondamentaux. D’une part, le principe de pleine valorisation du potentiel des écosystèmes, tant en termes de captation de ressources externes abondantes qu’en termes de stimulation de processus et flux physiques, chimiques et biologiques internes à l’écosystème. L’application de ce principe répond à des objectifs liés à la production agricole, à la fois quantitatifs, de régularité́ et qualitatifs (qualité́ nutritionnelle, sanitaire, gustative), ainsi qu’à un objectif d’autonomie. Ces objectifs contribuent à leur tour aux objectifs de développement que sont la sécurité́ alimentaire et nutritionnelle et la génération de revenus. D’autre part, le principe de préservation, voire même de restauration, des agroécosystèmes répond à des objectifs de durabilité́, de fourniture de bénéfices divers pour l’environnement, d’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ce dernier. L’agroécologie répond aussi à des objectifs plus larges de développement économique responsable, inclusif et durable (gouvernance responsable, économie circulaire et économie solidaire). Enfin, l’agroécologie intègre des dimensions sociales et culturelles (mouvement social, projet de société́ autour d’une agriculture paysanne autonome, réappropriation de savoirs traditionnels, relations agriculteurs et consommateurs) et de transformation des systèmes alimentaires pour une durabilité́ des modes de production et de consommation (valeurs humaines et sociales, production conjointe et partage de connaissance, culture et traditions alimentaires).
Des initiatives nombreuses et croissantes – tant d’ONG, que d’organisations paysannes et professionnelles agricoles, de centres de recherche, d’institutions académiques, d’entreprises ou d’institutions publiques – appuient désormais des processus de transition via la promotion et l’accompagnement des pratiques et systèmes agroécologiques. Cependant, ces acteurs manquent encore pour la plupart d’outils pour évaluer les effets du développement de l’agroécologie. D’un autre côté́, persiste parfois un certain scepticisme sur la pertinence et la faisabilité́ de l’agroécologie comme réponse aux enjeux mentionnés. Ces réticences concernent les effets et l’impact agronomiques, socio-économiques et environnementaux de l’agroécologie, et traversent les milieux paysans comme ceux des décideurs. Certaines pratiques agroécologiques existent depuis des temps anciens et à des échelles non négligeables. De nombreuses études ponctuelles ainsi que des évaluations ont été́ réalisées au cours des dernières années, mais elles couvrent un spectre souvent restreint d’agroécosystèmes, de territoires et de pratiques et sont dispersées, partielles, incomplètes et réalisées avec des méthodes et des outils différents. Des références systématisées produites avec une méthodologie fiable et commune manquent encore et ce manque constitue un handicap majeur pour les décideurs.
Dans ce contexte, les organisations membres du GTAE – Agrisud International, AVSF, Cari et Gret – se sont engagées dans l’élaboration de ce mémento en partenariat avec AgroParisTech, le Cirad et l’IRD. Il se veut un outil méthodologique commun pour l’évaluation de l’agroécologie, avec l’ambition d’être facilement utilisable par les acteurs du développement avec un éventuel appui d’institutions de recherche ou de formation, permettant d’une part d’évaluer les effets agronomiques, socio-économiques et environnementaux de ces pratiques et systèmes ; d’autre part d’évaluer les conditions de développement des pratiques et systèmes agroécologiques, c’est à dire les facteurs favorables et les freins à leur développement.
Cette méthodologie commune permettant d’obtenir des résultats d’évaluation issus de différentes régions et comparables entre eux, a pour objectifs :
1) L’évaluation par les acteurs de développement des résultats et effets de leurs inter- ventions en agroécologie, grâce à des méthodes et des indicateurs adaptés aux objectifs de ces interventions,
2) La création de références sur les performances économiques, sociales et environnementales de l’agroécologie afin de disposer d’argumentaires solides et objectifs auprès des bailleurs et décideurs, et notamment les décideurs publics, de l’intérêt du soutien et de la promotion des pratiques et systèmes agroécologiques,
3) L’identification des conditions de développement de l’agroécologie qui puissent être prises en compte dans la conception des interventions et politiques publiques en faveur de l’agroécologie.
Le GTAE s’est appuyé́ sur ses travaux antérieurs, en particulier en reprenant la méthode d’évaluation des pratiques et systèmes agroécologiques mise en œuvre en 2017 dans trois régions de l’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Sénégal et Togo) en partenariat avec AgroParisTech et diverses universités et ONGs et avec le soutien de la CEDEAO et de l’AFD (projet CALAO), enrichie et complétée avec neuf autres approches et méthodes d’évaluation de l’agroécologie mises en œuvre par d’autres acteurs, qui ont été́ présentées et discutées lors d’un atelier méthodologique organisé à Paris en décembre 2017 avec le soutien de l’AFD et du FFEM.