Alfredo RAX KOK est un des dirigeants de l’organisation SANK au Guatemala, qui œuvre à rendre leurs terres et leur fierté aux paysans guatémaltèques.
Quelle histoire AVSF et SANK partagent-elles ?
AVSF défend l’agriculture paysanne au Guatemala depuis 1986 et a initié un projet à Chisec, dans le nord du pays, pour le soutien envers des organisations locales, la diversification des cultures, et la promotion du rôle des femmes. En 2002, l’association APROBA-SANK a vu le jour, avec l’objectif de promouvoir un tourisme qui préserve le patrimoine des différentes communautés. Très vite, les deux organisations se sont rejointes sur le thème de la préservation des terres.
Les terres cultivables sont un enjeu conflictuel dans notre pays. Le génocide des populations indiennes perpétré par l’armée dans les années 80 a entraîné la destruction de villages entiers et le déplacement de plus d‘un million de paysans, pour beaucoup réfugiés dans les montagnes. Et fin 1983, le gouvernement militaire a mis en place une politique de colonisation des terres au profit des grands propriétaires, favorisant agriculture industrielle et monocultures d’exportation.
En réponse et pour éviter de nouveaux conflits, AVSF et SANK ont collaboré à des règles communes sur l’accès à la terre et la gestion des terres communautaires. Ce qui a permis depuis 2005 à 20 communautés d’obtenir des titres sur leurs terres sous l’appellation « Patrimoine Agraire Collectif ».
Mais comment résister à cet accaparement des terres ?
Depuis 40 ans, la propriété collective est considérée comme un frein au développement. Du coup, les politiques menées ont accéléré les ventes des petits propriétaires, affaibli les dynamiques communautaires, et concentré les terres dans les mains de l’agrobusiness. Les années 70 ont connu une 1ère vague d’accaparement par les grands propriétaires de café et aujourd’hui, c’est une seconde vague avec l’huile de palme. Dans la région de Chisec, les surfaces de culture de palme a triplé entre 2 000 et 2 005, passant de 15 000 à plus de 50 000 hectares.
Avec comme conséquences déforestation et pollution chimique des terres et des cours d’eau. Du coup, les organisations locales ont développé une stratégie consistant à faire reconnaître par l’Etat la gestion communautaire, résister à la logique des marchés et la privatisation individuelle, et valoriser une agriculture paysanne indienne.
D’où le succès, entre autres, des concours et marchés paysans ?
Les concours paysans ont été créés pour sensibiliser à la biodiversité cultivée, et la développer. Et en effet, ça marche : les équipes gagnantes cultivent entre 80 et 100 variétés de légumes et fruits par parcelle. L’effet d’émulation est formidable puisque plus de 800 familles paysannes issues d’une centaine de communautés participent.
Mais l’idée est aussi de favoriser le dialogue intra-communautaire, et c’est pourquoi les « règles du jeu» de ces concours sont débattues publiquement. Avec comme conséquences une meilleure identification collective des problèmes de développement local, une évolution des systèmes de production, et une meilleure utilisation globale des ressources.
Parallèlement, des écoles paysannes sont mises en place pour sensibiliser à l’importance d’une alimentation saine et former à l’utilisation des semences locales.
Et pour couronner le tout, le succès des marchés paysans de Chisec et Raxruha. Avec 150 vendeurs de 27 communautés, et 4 000 visiteurs, ils ont rendu aux communautés q’eqchi’es leur fierté paysanne !