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La parole à Délia Diabangouaya

 

Délia Diabangouaya

Co-fondatrice et responsable qualité de la coopérative de transformation de cacao Chocotogo.

Pouvez-vous nous dire un mot de la situation des jeunes ruraux au Togo ?

 

Au Togo, les jeunes demeurent confrontés à un manque d’opportunités économiques. En zones rurales, l’agriculture les séduit de moins en moins, en particulier la culture du cacao, à cause des faibles revenus et du peu de débouchés. De plus, certains milieux reculés sont très éloignés des services de base comme les routes, les structures de santé ou l’eau potable. Ne trouvant pas les conditions propices à leur épanouissement en zone rurale, les jeunes sont donc nombreux à rejoindre Lomé après le lycée pour continuer leurs études ou trouver un travail. Dans les villages, ils et elles n’ont en effet pas l’occasion de découvrir leur talents, ni les domaines qui les intéressent ou la manière dont ils pourraient être utiles à leur communauté. À cela s’ajoute la menace du terrorisme, principalement dans le nord du pays, où certains jeunes sont parfois poussés à prendre les armes contre un peu d’argent, quand d’autres émigrent vers les pays frontaliers pour fuir les zones non sécurisées.

 

 

À 33 ans, vous êtes la co-fondatrice de Chocotogo. Pouvez-vous nous parler de cette coopérative innovante qui transforme sur place le cacao et le commercialise ?

 
 

Chocotogo est une coopérative cofondée par dix jeunes suite à une formation en Italie, en 2013. En constatant que la plupart des cacaoculteurs vendaient les fèves brutes et n’avaient jamais eux-mêmes goûté de chocolat, nous avons voulu les accompagner dans l’activité de transformation du cacao afin de faire bénéficier les communautés de la valeur ajoutée issue de cette activité, et du produit en lui-même. Entre 2013 et 2014, nous avons mené plusieurs expériences pour déterminer les meilleures techniques et former les cacaoculteurs. C’est lors de la fête du cacao que nous avons organisée en 2014 que nous avons vendu notre première barre de chocolat. Chocotogo a été la première entreprise togolaise à transformer le cacao. Aujourd’hui, la coopérative emploie 30 jeunes de façon permanente et transforme du cacao 100 % naturel. Au-delà des tablettes, nous développons de plus en plus de produits dérivés, comme la pâte à tartiner, afin de valoriser au maximum le cacao. Notre objectif est ambitieux : placer le Togo comme capitale du cacao et du chocolat africain.

 

En quoi la transformation alimentaire représente une opportunité pour les jeunes ?

 

Selon moi, la transformation alimentaire représente une des solutions principales face au chômage et à la précarité que subissent les jeunes. Il y a plusieurs avantages : moins de pertes post-récolte, création de valeur économique pour le territoire, création d’emplois stables et décents, etc. Chez Chocotogo, la moyenne d’âge du personnel est en dessous de 30 ans, responsables inclus. Valoriser la jeunesse et faire monter en compétences les personnes qui travaillent avec nous est au cœur de notre action. De plus, la transformation alimentaire est un levier intéressant car ce secteur permet une entrée dans le monde de l’emploi. En effet, le travail au sein d’une unité de transformation s’apprend généralement sur le tas et il est possible de gravir les échelons au fur et à mesure.

 

Qu’est-ce qui différencie Chocotogo d’autres entreprises de transformation ?

 

La création de Chocotogo a permis de boucler la chaîne de valeur de la filière cacao. Ce que nous souhaitons, c’est permettre à l’ensemble des acteurs de la filière de grandir. Au-delà de créer des emplois, nous voulons que l’activité de transformation alimentaire bénéficie à l’ensemble des villages auprès desquels nous nous approvisionnons. Nous achetons le cacao au double du prix du marché, ce qui permet non seulement aux producteurs d’avoir un revenu décent, mais permet également aujourd’hui d’alimenter un fonds dédié à la construction de structures sociales, comme des écoles.

 

 

 

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