La parole à Christian Castellanet : Protéger la forêt, un objectif au service du collectif et de l’individu

En quoi les forêts peuvent-elles être des leviers pour résoudre la pauvreté ?

De tout temps, la forêt a fourni des biens et services. Certains remplissent une série de fonctions de bien commun (fertilité, conservation de l’eau, régulateur du climat…), tandis que d’autres contribuent à la subsistance des populations, et d’autres enfin sont commercialisables.

La forêt va donc être sans cesse menacée pour étendre les surfaces cultivées, ou pour faire du commerce. Elle est souvent exploitée de manière minière, pour en tirer tout le bois commercialisable, ou pour son capital de fertilité organique. Face à ces logiques de productivité à court terme qui détruisent la forêt, l’enjeu repose sur la capacité à convaincre les producteurs de s’orienter vers des alternatives qui leur permettent aussi d’obtenir un niveau de production et des revenus réguliers et raisonnables.

Ce choix d’intensification agroécologique permet aussi de retenir les gens à la campagne et de limiter le besoin d’expansion tout en favorisant la vie sociale entre les familles et le maintien de territoires dynamiques.

Mais pour que cela fonctionne, il faut convaincre les politiques d’investir dans ce choix. En effet, intensifier demande plus d’investissement, souvent plus de travail par unité produite (baisse de la fertilité) et apporte son lot de conséquences sociales. Aussi, cela ne peut marcher que s’il y a d’une part une compensation et d’autre part un contrôle plus strict des forêts -en théorie par l’Etat. En pratique, l’Etat est souvent incapable de gérer les forêts publiques, il est donc préférable que leur gestion soit confiée aux communautés qui les occupent de longue date et que celles-ci puissent en tirer d’autres revenus (bois, apiculture, chasse, plantes médicinales, …)

Selon vous, peut-on résoudre la contradiction entre production (agricole) et protection (des forêts) ?

Oui mais ça nécessite des moyens. Il faut soutenir les paysans à passer sur des systèmes diversifiés intensifs, mais qui supposent des aides à l’investissement pas toujours disponibles.

Actuellement il y a un risque énorme provoqué par l’enjeu de la “reforestation” porté par certaines institutions internationales. Certains Etat s’appuient sur ce mot d’ordre pour allouer des concessions à des entreprises forestières pour de la plantation de bois industriels (acacia, de la biomasse, eucalyptus) au détriment des paysans qui vivent dans ces forêts depuis des générations et pratiquent la défriche-brûlis. Bien souvent, ceux-ci vivent sans titre de propriété et donc sans moyen de défense. 

Pour tendre vers une agriculture zéro-déforestation, il faudrait que les droits des personnes vivant dans les zones forestières soient reconnus.

Doit-on aller vers un label zéro déforestation ?

Plusieurs outils existent pour lutter contre la déforestation. Les accords inter-États par exemple, peuvent être une solution pour faire en sorte de n’importer que des produits qui ne contribuent pas à la destruction des forêts. Les certifications qui garantissent le critère de non-déforestation avec un système de prime aux producteurs peuvent également être efficaces, mais elles ne sont bien sûr pas infaillibles ; des contrôles sont nécessaires sur le terrain. De plus, certaines questions s’imposent : la prime est-elle suffisamment attractive ? Les consommateurs sont-ils prêts à payer plus cher pour lutter contre la déforestation? Ou encore, est-ce que l’Etat est prêt à soutenir ces mesures ?

Pour une meilleure efficacité, les systèmes de certification doivent combiner une certification au niveau des territoires, qui associe les producteurs, les industriels et les gouvernements.

C’est le cas actuellement pour l’huile de palme d’Indonésie, où certains Etats indonésiens commencent à mettre en place des systèmes de contrôle et incitent tous les acteurs des territoires à maintenir les engagements pour faire que l’ensemble de leur région soit certifiée.

L’automne prochain, l’association AGTER dispensera un nouveau cours participatif consacré à la gouvernance communautaire des forêts, qui participera au processus d’échanges du Forum des Luttes pour la Terre et les ressources naturelles.

Plus d’infos sur: strugglesforlandforum.net

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