Cette crise présente d’inquiétantes analogies avec les grandes sécheresses des dernières décennies et sur laquelle nous voudrions attirer l’attention des acteurs internationaux avant qu’il ne soit trop tard. La campagne agro-sylvo-pastorale 2017-2018 est marquée par une pluviométrie insuffisante, très mal répartie dans le temps et dans l’espace dans toute la bande sahélienne. Nos collègues au Sénégal et Mali reportent un impact fortement négatif sur la régénérescence des pâturages et l’évolution des cultures.
Au Mali, l’insuffisance des pluies a eu un impact négatif sur la production de la biomasse de 2017 qui est inférieure de 46% à celle de 2015 et 22% à celle de 2016 (année de sécheresse). Le manque de pâturage a entraîné des mortalités du bétail plus élevées que d’habitude (Gao +53,4%, Tombouctou +43,6%) et une transhumance précoce – jusqu’à 4 mois d’avance – des éleveurs vers les zones agricoles et la vallée du fleuve Niger (enquête ENSAN sept. 2017).
Au Sénégal, le Cadre Harmonisé d’identification des zones à risque a prévu en novembre 2017 une situation de crise alimentaire et nutritionnelle pour la soudure 2018 dans les départements de Podor, Matam, Ranérou et Kanel (ce qui correspond au cœur de la zone sylvopastorale du Ferlo) ; des descentes d’éleveurs transhumants mauritaniens au Ferlo avaient été signalées avec deux mois d’avance. Cette situation risque en outre d’exacerber les conflits agro-pastoraux.
Des conférences de haut niveau sur cette crise ont eu lieu récemment à Bruxelles et à Niamey, avec une implication large des tous les acteurs de la coopération : UE, Union Africaine, BM, CILSS, UEMOA, etc. Les engagements pris ne semblent pas cerner l’ampleur de la crise, pour laquelle des actions concrètes doivent être prises d’urgence, parmi lesquelles:
– Des mesures urgentes d’atténuation de la soudure agropastorale précoce : assistance alimentaire et aliments pour le petit et gros bétail, déparasitage et vaccination pour les animaux affaiblis ; en dernière instance, le destockage et l’intégration dans des politiques publiques de rachat de la viande produite ;
– La sécurisation de la mobilité des troupeaux pour favoriser l’accès aux ressources pastorales essentielles : réhabilitation / construction de points d’eau et à moyen terme régénération des pâturages. Il faut aussi évaluer l’opportunité d’ouvrir les couloirs de transhumance transfrontaliers vers les pays côtiers, actuellement pratiquement fermés, par des accords à haut niveau (CEDEAO) ; des mesures urgentes de prévention et de gestion de conflits entre agriculteurs et pasteurs (réunions de concertation, mise en place de fonds de dédommagement…) ;
– Pour les femmes et les hommes, la prévention et la prise en charge de la malnutrition : le repositionnement des intrants nutritionnels et les stocks tampons, dépistage et référencement de la malnutrition…
Pour en savoir plus, téléchargez la note de plaidoyer rédigée avec les acteurs du développement présents au Sahel.