Haïti est le premier producteur de vétiver dans le monde, tant en quantité qu’en qualité. Son huile essentielle, extraite des racines, est notamment utilisée dans le secteur de la parfumerie dans les pays occidentaux. Le vétiver a l’avantage de pousser sur des sols très peu fertiles et sur des parcelles à forte pente. Pour les paysans et paysannes disposant de mauvaises terres, cette culture est donc une aubaine.
Les racines du problème
Lorsqu’il n’est pas récolté, le vétiver est une plante qui permet naturellement de lutter contre l’érosion des sols grâce à son feuillage extérieur, la « paille », qui ralentit les eaux de ruissellements et permet de retenir les sédiments. Mais en Haïti, les paysans dépendent principalement de cette culture pour vivre ; ils déracinent ainsi chaque année les pieds de vétiver, mettant à nu le sol qui se retrouve balayé par les pluies et le vent. L’épaisseur et la qualité des sols cultivables se dégradent progressivement : c’est l’érosion.
L’appauvrissement du sol entraîne une baisse considérable des rendements et impacte directement les acteurs de la filière. Auparavant, un hectare de vétiver pouvait produire 350 à 400 « balles »*. Aujourd’hui, seulement 200.
Le futur de cette filière est donc menacé, comme en témoigne une productrice inquiète : « Demain, mes enfants ne pourront sans doute plus continuer la culture car dans toute une partie de mon terrain, il n’y a plus que des roches. La terre a été emportée plus bas au moment des averses ».
Enrayer le cercle vicieux de la pauvreté
Pour agir contre ce phénomène d’érosion, différentes solutions sont expérimentées par les producteurs avec l’appui d’AVSF. Au lieu de récolter l’ensemble des racines de vétiver sur une parcelle, on peut par exemple laisser une ou plusieurs rangées qui serviront de barrières anti-érosives naturelles. Des réflexions ont également lieu autour de la valorisation du feuillage extérieur du vétiver. La paille peut par exemple être utilisée pour construire des rampes qui viendront réduire la force des eaux de ruissellement qui entraînent la terre. Elle peut aussi être utilisée pour couvrir les jeunes plants et la terre afin de les protéger des pluies, du vent et du soleil.
Toutes ces méthodes permettent d’atténuer l’érosion mais engendrent des coûts supplémentaires de main-d’œuvre, que les producteurs n’ont généralement pas les moyens de supporter.
Améliorer les revenus des producteurs est donc indispensable pour instaurer des changements de pratiques pérennes. C’est dans cet objectif qu’un dialogue a été initié entre des coopératives de petits producteurs, des distillateurs et des parfumeurs internationaux. Le but est d’aboutir à des conditions d’achat et de contractualisation plus justes et équitables, sur la base d’un cahier des charges qui prenne mieux en compte les enjeux environnementaux et sociaux.
* Unité de mesure courante en Haïti, 1 balle = environ 25kg