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Migrations paysannes : changeons de regard !

La question des migrants focalise l’attention en Europe et, généralement, divise. Quelles formes prennent réellement ces migrations ? Quelles en sont les raisons ? Sont-elles uniquement un « problème » ou une opportunité pour le développement des territoires ?

Les migrations en Europe : la partie visible de l’iceberg de déplacements de populations d’abord internes et régionaux !

Sur les 740 millions de personnes déplacées dans le monde, 258 millions ont effectivement franchi une frontière pour s’installer dans un pays autre que celui de leur naissance (1). Mais quand des personnes quittent leur pays, c’est le plus souvent pour s’installer dans un pays voisin : du Soudan en Ethiopie, du Burkina et du Niger en Côte d’Ivoire ou au Ghana, … En Afrique sub-saharienne, plus de 70 % des déplacements se font au sein même du continent et la part des migrations internationales restent stables, autour de 2 % de la population.

« Les migrations à l’intérieur d’un pays sont même six fois plus importantes que d’un pays à un autre ».

Les migrations à l’intérieur d’un pays sont même six fois plus importantes que d’un pays à un autre : en témoignent les très importantes mobilités saisonnières des campagnes vers les villes, qui touchent notamment les jeunes et les femmes. Au Niger par exemple, ces migrations vers les villes sont une réponse à la pauvreté rurale pour faire face à de longues périodes de soudure alimentaire : des milliers de migrants vont ainsi chaque année grossir les villes nigériennes ou partent en recherche d’emploi saisonnier et temporaire vers des villes côtières comme Abidjan, Cotonou, Lomé ou Lagos. Car migrer en Europe ou aux Etats-Unis a un coût : financer le voyage, les papiers, le passeur … ce ne sont pas forcément les personnes les plus pauvres qui peuvent se le permettre ! Les raisons de ces migrations sont multiples et souvent liées entre-elles : fuir des conflits armés, des sécheresses ou autres chocs climatiques dramatiques mais aussi échapper à la simple pauvreté rurale ou l’impossibilité pour tous les enfants de familles rurales, de vivre décemment d’un lopin de terre ou d’un maigre troupeau.

Migrations et développement : des interrelations bien réelles

Toutes les études contemporaines montrent que le développement socio-économique et la formation des personnes, mais aussi la libre circulation des capitaux et des marchandises, promue par les politiques internationales, stimulent à court et moyen termes les migrations (2). Un meilleur accès aux ressources rend la mobilité envisageable. Et les personnes disposant de la moindre qualification sont celles qui ont également plus d’opportunité de trouver un travail décent à l’étranger, au risque d’appauvrir leurs pays d’origine de réelles compétences.

In fine, les transferts financiers des migrants vers leur pays d’origine participent incontestablement à l’amélioration des conditions de vie de leur famille et au développement économique local. En 2017, ces transferts représentaient plus de 2% du PIB global en Afrique de l’Ouest (3) ; au niveau mondial, ils étaient trois fois plus importants que les montants d’aide publique au développement investis par la communauté internationale !

« Les transferts financiers des migrants vers leur pays d’origine participent incontestablement à l’amélioration des conditions de vie de leur famille et au développement économique local ».

Sans compter que lorsqu’ils font le choix de retourner au pays, ces migrants valorisent l’expérience acquise à l’international et deviennent très souvent acteurs du développement économique de leur région d’origine, lorsqu’ils ne créent pas leurs propres entreprises, créatrices d’emplois locaux, grâce à l’épargne accumulée.

Agir pour faire de la migration un choix plutôt qu’une nécessité

Pour un homme, une femme ou de surcroît un jeune issu du milieu rural, la décision ou non de partir définitivement ou temporairement à la ville, dans un pays voisin ou tenter la traversée vers un « eldorado rêvé », ne devrait plus être contrainte par l’impérieuse nécessité de fuir ou de survivre ! Pour éviter ces déplacements forcés, la priorité est naturellement de protéger les personnes des conflits armés et de lutter contre le réchauffement climatique, non sans questionner également l’impact de certains accords commerciaux et politiques internationales sur la fragilisation accrue de populations des pays du Sud. C’est bien là, la responsabilité des États concernés et de toute la communauté internationale.

Pour AVSF et ses partenaires, il s’agit aussi de contribuer à créer localement, dans des territoires vulnérables, des conditions de vie décente et un environnement favorable pour ces hommes, femmes et particulièrement ces jeunes qui s’interrogent sur leur avenir. Dans le respect des structures sociales locales, nous agissons pour que les aspirations de ces jeunes soient mieux prises en compte dans les projets engagés.

« Il s’agit aussi de contribuer à créer localement, dans des territoires vulnérables, des conditions de vie décente et un environnement favorable pour ces hommes, femmes et ces jeunes qui s’interrogent sur leur avenir »

Nous les accompagnons dans leur insertion professionnelle : en revalorisant le métier de paysan via des systèmes de production agroécologique réellement rémunérateurs, en créant de l’emploi dans des coopératives et entreprises paysannes de services (transformation, mécanisation agricole, approvisionnement en intrants), en favorisant la pluriactivité et en les formant à des métiers para-agricoles indispensables (auxiliaires vétérinaires, etc.) mais aussi non agricoles (maître maçons, charpentiers, ferronniers, guides touristiques, etc.). L’objectif : consolider leurs économies et leur reconnaissance sociale, mais aussi mieux accompagner ces migrations – régionales et saisonnières – qui permettent à ces jeunes paysans de réinvestir dans leurs exploitations et leurs élevages. Alors ils pourront demain, sans contrainte, vraiment choisir de rester ou bouger !


(1) Source : Office Internationale des Migrations, 2017. (2) 10 mythes sur Migration et développement, FORIM, 2016 et Guide des 5 idées reçues sur les liens migrations et développement, GRDR, 2016. (3) Sources : Rapport de la Banque Africaine de Développement, 2017 / Une Afrique rurale en mouvement : dynamiques et facteurs des migrations au sud du Sahara, FAO & CIRAD, 2018.

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