L’une des caractéristiques de la Côte d’Ivoire concerne sa spécialisation dans les cultures de rente, résultat d’une succession de décisions politico-économiques menées par le régime colonial français puis par les gouvernements post-indépendance qui ont orienté l’économie ivoirienne vers l’agriculture d’exportations, principalement du café et du cacao, afin de développer le pays. Cette orientation a durablement marqué le tissu économique et social du pays. Cela explique notamment que la Côte d’Ivoire produise actuellement et à l’échelle mondiale plus d’un tiers du cacao, culture particulièrement adaptée à son climat chaud et humide.
Les plantations de cacao, café, d’hévéa ou d’anacarde sont en grande majorité cultivées par des petits producteurs et leurs familles qui détiennent entre 5 et 10 hectares de terre. Les multinationales étrangères qui achètent leur production ont favorisé la spécialisation de ces exploitations familiales qui ont adopté un modèle de production reposant sur la monoculture de variétés sélectionnées sur des défriches forestières totales.
Aussi, les petites exploitations sont très dépendantes des revenus issus des cultures de rente bien qu’il y ait toujours quelques cultures vivrières (banane plantain, igname) ou un petit commerce comme sources complémentaires de revenus. Ainsi, les exportations de produits agricoles de la Côte d’Ivoire représentaient en 2015 de l’ordre de 7,7 milliards de $US, soit de l’ordre de 69% de la valeur totale des exportations du pays. En 2017, le secteur de l’agriculture au sens large représentait 20,5% du PIB de la Côte d’Ivoire et employait autour de 45% de la population active.
Le pourcentage de la population rurale dans le pays était estimé à 49,6% en 2017 (Banque Mondiale, 2018), celle-ci dépendant majoritairement des activités agricoles pour sa subsistance et ses revenus. Cette population rurale fait toutefois face à des taux et à des niveaux de pauvreté élevés et supérieurs à ceux constatés en milieu urbain. La combinaison entre cultures de rente faiblement rémunératrices et instables et des productions vivrières insuffisantes crée une insécurité alimentaire pour les familles rurales. Sur le plan environnemental, ces modes de culture ont contribué à un processus de déforestation de grande envergure. Des 16 millions d’hectares de forêts dont disposait le pays à l’indépendance, il en reste aujourd’hui moins de 3 millions d’hectares, en grande partie dégradés. Cette déforestation spectaculaire contribue à perturber le régime des pluies, limitant la productivité agricole, et créant ainsi un cercle vicieux préoccupant pour l’avenir du secteur agricole que les changements climatiques ne feront qu’aggraver.
La Côte d’Ivoire a par ailleurs vécu de 2000 à 2011 une crise politico-militaire, marquée par la partition pendant près de neuf ans du pays, et qui a affaibli l’Etat, détérioré le potentiel économique et accentué le taux de pauvreté de la population. Même s’il a diminué ces dernières années (notamment grâce à la mise en œuvre du Programme national d’investissement agricole), le taux de pauvreté en milieu rural se situe en effet autour de 55 %.
Nouveau pays de coopération depuis 2016, l’intervention d’AVSF en Côte d’Ivoire a débuté par la mise en œuvre du programme sous-régional EQUITE (dont le champ d’action couvre également le Ghana, le Burkina, le Mali et le Togo) dont les objectifs sont :
1) Appuyer la structuration des organisations de producteurs et des filières dans lesquelles elles interviennent, par le développement du commerce équitable;
2) Tester le potentiel de développement de filières équitables Sud-Sud ;
3) Renforcer le rôle des organisations de producteurs dans la gouvernance des labels internationaux de commerce équitable;
4) Améliorer la lisibilité du commerce équitable comme outil de développement durable et en particulier la préservation de la biodiversité.
Une seconde phase de ce projet plus ambitieuse en termes de couverture géographique et d’Organisations appuyées pour mettre en œuvre leur (objectif de 40) est en cours d’instruction. AVSF a par ailleurs était sélectionné par le FADCI (Programme Filières Agricoles Durables de Côte d’Ivoire) en 2018 pour être « observateur indépendant » et assurer le suivi-évaluation du projet pilote « Un cacao ami des forêts » pour une durée de cinq ans (2018-2022). Ce projet mis en œuvre par le chocolatier Cémoi en partenariat avec le Conseil Café Cacao a pour but de promouvoir une cacaoculture durable qui concilie la préservation des ressources naturelles et forestières et l’amélioration des conditions de vie des producteurs de cacao. Le dispositif de suivi-évaluation mis en œuvre par AVSF vise à vérifier le niveau d’atteinte de trois objectifs assignés au projet :
1) Au moins 25% des plantations de cacao appuyées ont un rendement de 1000 kg/ha (contre 350 kg/ha en moyenne actuellement);
2) Accroissement de 30% du revenu annuel pour 80% des producteurs de cacao coachés par le projet ;
3) 100% du cacao acheté par Cémoi dans le cadre du projet fait l’objet d’une traçabilité depuis le planteur jusqu’à la transformation ;