A quelles conditions l’agriculture contractuelle peut-elle favoriser les agricultures paysannes du Sud ?
Depuis plusieurs décennies, l’expansion de différentes formes de contractualisation entre producteurs et entreprises agroalimentaires, ou « agricultures sous contrat », est une des évolutions marquantes des systèmes agraires et alimentaires mondiaux. Le partage des récoltes entre un fermier et un propriétaire existait déjà dans la Grèce antique, définissant ainsi des formes de contrat entre un producteur et un acteur détenant du capital foncier et des moyens de production. Mais ce n’est que depuis le siècle dernier que des contrats engagent des entreprises et des producteurs sur leurs propres terres. Avant la seconde guerre mondiale des contrats ont ainsi été́ développes avec des propriétaires terriens, par des entreprises de semences aux USA, des entreprises japonaises à Taiwan, ou encore en Amérique Centrale (sur la filière banane par exemple avec la United Fruit Company). Le désengagement des États des services d’appui à l’agriculture avec les politiques de libéralisation dans les années 80, a aussi ouvert la porte au secteur, et les États ont cherché́ à favoriser les investissements privés. Le phénomène d’agriculture sous contrat n’est donc pas nouveau mais il connait depuis une décennie un regain avec une diversification de ses formes et des acteurs impliqués. Quatre composantes peuvent être retenus pour définir l’agriculture contractuelle (a) des engagements écrits ou oraux avant la production, (b) la fourniture en général de services, (b) un engagement sur des conditions d’achat, (d) des droits exclusifs sur une partie de la production.
Sur la base d’analyses bibliographiques sur le sujet et de trois études de cas (Togo, Cambodge, Équateur) d’agricultures sous contrat entre entreprises (petites et moyennes) et agricultures paysannes, le rapport se centre sur la question suivante : à quelles conditions l’agriculture contractuelle peut-elle être favorable aux producteurs familiaux ? Le présent document n’est donc pas une étude complète sur l’agriculture contractuelle qui prétendrait être exhaustive. Le rapport analyse les résultats et les effets de ces contractualisations pour l’agriculture familiale, leurs organisations professionnelles, notamment en termes de revenus, de prise de risques et de sécurité́ alimentaire. Enfin, il conclut sur des recommandations à l’attention des pouvoirs publics pour promouvoir des conditions favorables pour les petits producteurs et l’agriculture paysanne, au sein des dynamiques de contractualisation.
L’agriculture contractuelle n’étant en effet pas une fin mais un moyen, il convient de se questionner sur comment favoriser le respect des critères et conditions pour que ces contrats puissent être favorables à l’agriculture familiale et paysannes des pays concernés, et comment accompagner la formalisation, la mise en place et le suivi de contrats qui présentent des avantages pour tous les acteurs impliqués et pour le territoire concerné. Même si les États définissent un cadre et des mesures pour réguler et accompagner l’agriculture contractuelle, les défis à relever sont nombreux et les producteurs et leurs organisations ont besoin d’être appuyés pour pouvoir négocier et établir des contrats favorables. Parallèlement, certaines entreprises intéressées à développer ces types de contrats et partenariats en respectant les critères et conditions favorables aux petits producteurs, n’ont ni la connaissance de leurs réalités ni le savoir-faire et l’expérience pour établir ces contrats. Un défi est donc également de donner les clés suffisantes aux entrepreneurs privés pour saisir les avantages d’une agriculture contractuelle et d’accompagner, techniquement et institutionnellement – bien plus que financièrement -, les entreprises privées vers le développement de schémas contractuels plus équitables.