Des performances et modalités de cohabitation des systèmes d’élevage au Sénégal et Sahel
Table ronde organisée à l’occasion des 40 ans d’AVSF sous le haut patronage de Madame Aminata MBENGUE NDIAYE, Ministre de l’Élevage et des Productions Animales
Au Sénégal, AVSF accompagne depuis 1991 des paysans, agriculteurs, agro-éleveurs, éleveurs et pasteurs – en particulier en Casamance et dans le Ferlo – et leurs organisations, dans les domaines de l’élevage, de la santé animale, de l’agroécologie, enfin de la valorisation de produits agricoles et de l’élevage sur des filières rémunératrices locales et internationales. AVSF a fait le choix de soutenir ces agricultures et ces élevages paysans qui restent prédominants au Sénégal, et dont nous pensons qu’ils sont une des réponses les plus pertinentes pour relever les défis qui se présentent à la société sénégalaise : lutter contre la pauvreté rurale, améliorer la sécurité alimentaire et les conditions de vie des populations paysannes, mais aussi nourrir des villes en forte croissance, offrir des emplois décents en milieu rural notamment aux jeunes et aux femmes, renforcer la capacité des territoires à s’adapter aux effets du changement climatique.
Nous faisons cependant le constat qu’au Sénégal, comme dans toute l’Afrique de l’Ouest et dans le monde entier, la cohabitation de différents systèmes agricoles et d’élevage est un fait : au Sénégal, l’élevage industriel associé à des investisseurs privés, côtoie des systèmes villageois et familiaux de polyculture-élevage en zone rurale. L’élevage familial intensif cohabite, souvent dans le même village, avec l’élevage familial extensif ou l’élevage pastoral.
Sous le haut patronage de Madame Aminata MBENGUE NDIAYE, Ministre de l’Élevage et des Productions Animales, la table-ronde organisé par AVSF à Dakar le 24 avril 2018 à l’occasion des 40 ans de l’association – 27 ans au Sénégal – a permis un temps de réflexion partagée sur les performances et modalités de cohabitation des systèmes d’élevage au Sénégal et Sahel. Cette matinée a permis à sept acteurs du secteur Issus du secteur public et privé – de la recherche et du développement, représentants des éleveurs et éleveuses du Sénégal mais aussi de France – de confronter leurs points de vue autour de deux table-rondes successives. La 1ère table-ronde a questionné les performances et les impacts de ces différents systèmes d’élevage sur les territoires ruraux en Afrique. La 2ème table ronde s’est interrogée sur la cohabitation de ces systèmes d’élevage : est-elle possible, souhaitable – et de quelle manière – pour répondre aux attentes de la société ?
Ces tables-ronde ont permis de rappeler que l’intensification de l’élevage familial est nécessaire, mais pas une intensification en intrants chimiques qui maltraiterait la nature, les animaux et in fine les hommes et les femmes : ll s’agit de promouvoir une intensification en travail, en savoirs et innovations et une intensification agroécologique ! Elles ont également mis en exergue que les systèmes d’élevage familiaux sont souvent plus performants au regard de leur capacité d’adaptation et de réaction aux crises climatiques ou économiques qui peuvent les perturber, et in fine les plus résilients.
Si ces deux modèles – systèmes paysans liés à la tradition et systèmes plus industriels – coexistent déjà, notamment en élevage, leur cohabitation risque d’être plus difficile à l’avenir, en concurrence l’un et l’autre pour la terre et l’eau, pour l’accès au capital ou au marché du fait de coûts de production souvent divergents. La cohabitation de ces systèmes n’est pas naturelle ni toujours stable et équilibrée ; elle n’est donc pas non plus sans heurts, ni potentiels conflits… L’action politique doit permettre de créer les conditions optimales pour que ces systèmes paysans, en pleine capacité d’évoluer, puissent exprimer tous leurs potentiels. Elle est particulièrement fondamentale pour un cadre réglementaire clair qui protège tous les éleveurs, sans léser les éleveurs familiaux dont les performances actuelles et futures sont indéniables.
Les débats ont permis de repérer au moins quatre conditions majeures de succès de ces possibles évolutions pour des systèmes performants et une cohabitation efficiente et pacifiée :
1/ La nécessité de prendre en compte la spécificité des contextes dans lesquels se développent les différents systèmes. Il n’y a par exemple pas un modèle d’intensification laitière mais des modèles divers adaptés aux conditions agronomiques, économiques et sociales locales…
2/ L’importance à accorder à la structuration des filières qui doivent réguler les rapports entre les différents acteurs au service de la performance globale des différents systèmes qui s’articulent dans ces filières. Cette structuration doit être accompagnée pour veiller à ce que les moins « robustes » ne soient pas écrasés par le processus d’organisation de la filière.
3/ Pour encourager la nécessaire intensification des systèmes paysans, un accompagnement spécifique des petits producteurs est requis en matière d’organisation, d’accès au marché, de structuration des relations entre les différents acteurs ou de relations contractuelles marchandes équilibrées avec d’autres systèmes d’exploitation.
4/ Enfin, la mise en cohérence des actions de structuration de ces filières avec les politiques publiques nationales et internationales (par exemple sur les filières volailles ou lait).