Conférence-débat « L’agroécologie peut-elle répondre aux défis des agricultures du Sud ? »
A l’horizon 2050, des scénarios prospectifs prédisent une explosion démographique. Laquelle entraînera, de manière mécanique, une augmentation des besoins de production alimentaire et de création d’emplois. Dans cette perspective, l’agrécologie offre des solutions permettant de répondre aux défis économiques, sociodémographiques et environnementaux des pays du sud. Pour autant, constitue-t-elle la réponse ou une partie de la réponse à ces enjeux ? Suppose-t-elle de faire table rase des modèles agricoles dominants, ou correspond-elle au contraire à une évolution progressive et nécessaire de ceux-ci ? Pour en débattre, cette conférence-débat organisé dans le cadre des cycles ID4D de l’AFD, et animé par Vincent David, fondateur de Relations d’utilité publique a réuni :
- Anne Legile, chef de projets au sein de la division Agriculture, Développement rural et Biodiversité à l’Agence Française de Développement
- Christiane Lambert, agricultrice et vice-présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)
- Frédéric Apollin, directeur général d’ Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF)
- Christian Huyghe directeur scientifique adjoint de l’Institut national de recherche agronomique (INRA)
« Agroécologie » : sous un vocable unique, de nombreuses définitions
Intégrée dès le 18ème siècle aux pratiques agricoles ordinaires, l’agroécologie s’est ensuite développée sous différentes formes. A l’heure actuelle, elle est à la fois une discipline scientifique, un mouvement paysan et un ensemble de pratiques agricoles. Fondée sur une approche systémique des exploitations, elle vise à mobiliser les potentialités des écosystèmes pour atteindre une autonomie vis-à-vis des ressources non-renouvelables (F. Apollin). Son but est ainsi d’encourager la diversité fonctionnelle des espèces et de pérenniser le capital productif. S’appuyant entre autres sur l’agroforesterie, l’introduction de légumineuses ou l’agriculture-élevage, elle se développe également au sud, sous la forme d’un « essaimage de multiples initiatives locales souvent portées par des organisations paysannes, des ONG et des collectivités locales » (F. Apollin).
Une réponse à de nombreux enjeux du Sud
Par ses caractéristiques, l’agroécologie peut répondre à de nombreux enjeux des pays du sud. Garante de la qualité des produits et de la pérennité des exploitations, elle est également articulée autour de circuits courts. De ce fait, l’agroécologie est susceptible de répondre aux enjeux de sécurité alimentaire qui se poseront au Sud dans les années à venir. « Intensive en main d’œuvre » (A. Legile), elle permettrait également de pourvoir aux besoins croissants d’emploi des pays du Sud. Tout en contribuant « au maintien des populations sur les territoires ruraux » et en limitant la dépendance de ces pays aux importations, elle est en outre capable d’assurer aux producteurs une rémunération satisfaisante. En d’autres termes, l’agroécologie participe de la création d’une véritable économie locale (F. Apollin). « Ecologiquement intensive » (C. Lambert), elle améliore enfin l’efficience énergétique des exploitations et contribue « à la préservation du sol et des ressources naturelles » (C. Huyghe).
Pragmatisme exigé
« L’évolution des modèles agricoles vers une transition agroécologique est inéluctable » (C. Lambert). Pour autant, les freins à l’agroécologie restent nombreux. C’est pourquoi, les démarches menées pour cette nécessaire transition doivent être « pragmatiques » (F. Apollin) et se décliner en « propositions opérationnelles, fiables et sécurisées » (A. Legile). Toute approche agroécologique doit de plus être adaptée aux attentes et aux convictions des agriculteurs qui y participent. Sans oublier de prendre en compte les spécificités territoriales et socio-économiques des agricultures du sud (A. Legile, C. Huyghe)
Les leviers à mobiliser pour développer l’agroécologie
Un des objectifs est d’offrir aux consommateurs des produits de qualité, sans augmenter leur coût ni rogner sur la rémunération des producteurs (F. Apollin). Il s’agit aussi d’assurer l’accès des produits agroécologiques à des marchés qui pour l’heure sont incertains (C. Lambert). Pour atteindre ces objectifs, il est par ailleurs nécessaire de s’attaquer à l’incohérence des politiques publiques développées en la matière (F. Apollin), de stimuler la demande des consommateurs vis à-vis des produits agroécologiques (C. Huyghe) et de changer le regard porté par les populations du Sud, urbaines comme rurales, sur le métier d’agriculteur, qui doit être revalorisé. Enfin, il est nécessaire de mieux mesurer, diffuser et rendre visible les résultats des initiatives déjà existantes, pour convaincre de la pertinence et efficacité de cette transition agroécologique.