Younoussa BARRY, agronome sur le projet Thiellal au Sénégal, a mené une démarche participative de dialogue et d’expérimentations avec les populations qui les a amené à réduire les pesticides.
Dans quel contexte s’inscrit le projet ?
Mené par AVSF, Solthis et Casades, le projet Thiellal intervient dans la région de Kolda, plus précisément dans le département de Vélingara où les activités principales sont l’agriculture, l’élevage et le commerce. En 1970, les pesticides ont fait leur apparition dans la région à travers l’entreprise SODEFITEX. D’abord utilisés pour la culture du coton, leur usage s’est ensuite répandu aux cultures vivrières comme les céréales, le maïs ou le sorgho. L’utilisation d’intrants chimiques dangereux sur des cultures alimentaires, notamment d’herbicides, ainsi que les mauvaises conditions d’application par les paysans et paysannes sont un problème majeur dans la région. Bien qu’ils soient souvent au fait des risques pour leur santé et l’environnement, les paysans ne connaissent pas d’autres alternatives et se voient contraints d’utiliser ces produits.
Quels sont les pesticides utilisés dans la région ? D’où viennent-ils ?
Les études et enquêtes menées par le projet Thiellal ont montré que 66 % des produits recensés dans le département ne sont pas homologués niveau CSP (Comité Sahélien des pesticides). Parmi les matières actives, 50 % sont des substances interdites dans l’Union européenne, et 12 % provoqueraient des cancers. L’acquisition de ces produits se fait généralement sur les marchés locaux, auprès de vendeurs informels qui représentent 60 % des vendeurs recensés. Ces derniers ne détiennent pas d’autorisation de vente et ne savent généralement ni lire et ni écrire. Ils ne sont donc pas en mesure de conseiller les clients sur les pratiques d’utilisation de ces produits dangereux, qui proviennent principalement de Chine, mais également de France.
Comment ces pesticides sont-ils utilisés par les paysans et paysannes ?
Nous avons constaté qu’une faible proportion de paysans, seulement 14 %, dispose d’un équipement de protection individuel complet, composé d’une combinaison, de lunettes, de gants, des bottes et d’un masque. Le coût d’achat important et la chaleur sont des freins importants à leur utilisation. Les enquêtes ont également révélé que la majorité des paysans du département stockent leurs pesticides au niveau des champs, à la portée des animaux ; dans les greniers près de stocks de nourriture ou alors, jettent les restes directement dans les toilettes.
Le projet comporte donc de nombreuses actions de sensibilisation, communication par des visites à domiciles et causerie pour informer les paysans et paysannes sur les bonnes pratiques d’utilisation (protection, stockage, dosage, gestion des emballages, etc…).
Quelles sont les alternatives concrètes amenées grâce au projet Thiellal ?
Tout d’abord, Thiellal a initié des champs-écoles agroécologiques pour faciliter l’expérimentation et l’apprentissage de nouvelles pratiques par les paysans. Une dizaine de formations et d’échanges ont eu lieu, notamment sur l’utilisation de biopesticides et de biofertilisants. Entre la première et la deuxième année, nous avons atteint 108 paysans et paysannes formés avec 4 champs-écoles agroécologiques. Les bons résultats ont motivé les paysans à répliquer ces pratiques dans leurs propres champs et à former leurs proches.
Nous travaillons également avec les paysans sur les associations de cultures, une pratique agroécologique qui leur permet également de diversifier leur alimentation et leurs revenus. Enfin, nous avons également ouvert un fond d’appui à l’initiative communautaire pour soutenir des initiatives agroécologiques locales et organiser des réseaux de paysans et des paysannes par villages.
Toutes ces actions contribuent à préserver la santé humaine et la biodiversité, sans laquelle nous ne pourrions pas vivre.