C’est connu, la déforestation est l’une des causes majeures d’accélération du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. Or, certaines matières premières agricoles ont fortement contribué ces dernières décennies à la déforestation, et les efforts mondiaux sont encore insuffisants pour stopper ces dégradations. Afin d’endiguer ce phénomène, l’Union européenne a adopté en 2023 un règlement qui vise à rendre illégale la mise sur le marché européen des produits ayant contribué à la déforestation à compter de 2021. Initialement prévue pour janvier 2025, la Commission européenne vient d’annoncer le report d’un an de sa mise en application. Une décision qui suscite de nombreuses réactions contrastées.
Un report inéluctable ?
Si ce délai résulte principalement de la pression de grandes entreprises agroalimentaires et de certains pays exportateurs des principales filières ciblées par ce règlement (cacao, café, soja, viande bovine, bois, huile de palme, caoutchouc), ce report paraissait toutefois inévitable. En effet, à 3 mois de la date de mise en œuvre initialement prévue, force est de constater le retard pris dans la conception globale du dispositif et dans la mise en conformité aux nouvelles exigences, que ce soit côté entreprises, producteurs-ices et organisations, États des pays producteurs et importateurs, ou de la Commission Européenne elle-même.
Pour les petits producteurs-ices en particulier, la mise en conformité avec le RDUE représente un véritable défi et engendre des charges additionnelles conséquentes. Les nouvelles exigences imposées en termes de traçabilité physique, de géoréférencement et de mise en place de systèmes robustes de gestion interne de l’information, sont difficiles à atteindre pour des producteurs-ices qui, en Côte d’Ivoire par exemple, vivent souvent avec moins de 2 dollars par jour et dont la majorité des organisations ne disposent que de ressources financières très limitées.
Bien que certaines coopératives bénéficiant de partenariats commerciaux équitables aient pu mieux anticiper ces changements, nombre de coopératives ou producteurs isolés ne disposent actuellement ni des ressources, ni de la main d’œuvre pour respecter les nouvelles normes exigées afin de vendre leurs produits en Europe.
L’opportunité d’une transition plus inclusive
En 2024, AVSF, Commerce Equitable France et le Réseau Ivoirien du Commerce Équitable (RICE) ont commandité une étude sur l’impact des nouvelles réglementations sur les coopératives. L’étude souligne qu’une mise en conformité réussie ne pourra se faire sans une amélioration des pratiques commerciales, des prix rémunérateurs, et un engagement pluriannuel des entreprises partenaires. Elle confirme que les coopératives certifiées commerce équitable, bénéficiant de relations commerciales stables et de primes de développement, sont celles qui se trouvent les mieux positionnées pour respecter ces nouvelles normes. Ces coopératives ont en effet pu avancer dans la mise en conformité en collaboration avec leurs acheteurs, la mise en place de systèmes de traçabilité et de contrôle interne performants étant des critères exigés par les certifications.
Ces 12 mois supplémentaires doivent donc permettre au plus grand nombre de familles paysannes de s’ajuster, se faire accompagner et présenter les garanties pour ne pas se retrouver exclues du marché européen.
Chez Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières, nous sommes convaincus que le RDUE représente une avancée cruciale pour la protection des forêts et la responsabilisation des grandes entreprises sur l’impact de leurs activités sur l’environnement et les droits humains, à l’image de ce que font déjà les acteurs du commerce équitable. La vigilance quant à ce report est donc de mise pour s’assurer qu’il ne s’agisse pas d’un renoncement politique et que les exigences ne soient pas revues à la baisse. Il doit constituer une opportunité pour l’ensemble des acteurs de se préparer à une mise en œuvre effective et inclusive de ce règlement, en particulier pour les petits producteurs-ices et leurs organisations.
Pour plus d’informations, consultez le communiqué de presse de Commerce Équitable France, dont AVSF est membre.