Ousmane Baldé, agro-éleveur de 35 ans, vit dans la petite ville de Paroumba au sud du Sénégal, avec ses quatre enfants, sa femme, ses frères et ses parents. En 2022, il a dédié une partie de son champ au projet « Thiellal », mené par AVSF et l’ONG Solthis, afin d’y créer un champ-école.
Un usage dangereux des pesticides
En Casamance, l’utilisation de pesticides dangereux, destinés à la culture du coton, s’est étendue aux cultures alimentaires. Ousmane n’a pas été épargné par cette tendance. Avant le projet, il cultivait le coton, l’arachide, le riz et le maïs à l’aide d’engrais chimiques et de pesticides. C’était pour lui le seul moyen d’avoir des rendements suffisants pour nourrir sa famille et vendre une partie de sa production sur le marché local.
Ces produits chimiques, devenus monnaie courante, ne sont pourtant pas sans conséquences sur la vie des sols et la santé de la population, des animaux et de l’environnement.
Les champs-écoles : terrain fertile pour l’expérimentation
Se passer de pesticides, oui, mais comment ? Pour permettre aux paysans et paysannes de la région d’adopter des pratiques agroécologiques et réduire l’utilisation d’intrants chimiques, particulièrement pour les cultures destinées à la consommation, Ousmane s’est engagé en tant que « facilitateur » dans le projet Thiellal. Bénévolement, il a dédié une partie de son terrain pour le transformer en champ-école.
Ces champs se sont imposés depuis plus de 70 ans comme des laboratoires vivants où les paysans et paysannes peuvent co-construire et tester des pratiques agricoles. Ils et elles répliquent ensuite les pratiques les plus efficaces sur leurs propres parcelles. Ce sont des lieux d’échange d’expériences et d’innovations agroécologiques adaptées aux besoins spécifiques des producteurs et productrices qu’AVSF met en place à travers de nombreux projets dans le monde.
Adama Diamanka, paysanne, a suivi les six ateliers organisés l’année dernière sur le terrain d’Ousmane. Comme beaucoup de femmes, elle s’occupe principalement du maraîchage (gombo, oseille, aubergines, tomates, piments et choux, laitue…). En mettant en œuvre les bonnes pratiques apprises, telles que le compostage, une meilleure gestion de l’eau et des techniques de semis plus adaptées, elle a non seulement augmenté ses rendements, mais a également amélioré la qualité de ses produits tout en évitant l’épandage de pesticides et engrais chimiques. Plus attrayants pour la clientèle, ses légumes se vendent plus facilement sur le marché. Elle témoigne de l’impact considérable sur ses revenus : « avant, je gagnais peu, entre 2000 et 3000 francs CFA par mois, comme les rendements ont augmenté et les dépenses liées à l’achat de produits chimiques ont diminué, je gagne maintenant entre 10 000 et 12 000 francs CFA par mois. »
Sensibiliser la population locale
De son côté, Ousmane est aujourd’hui en mesure de fabriquer lui-même des bio-fertilisants et bio-pesticides et a appris à semer en fonction de l’emplacement du champ. Après avoir testé la production de riz et de maïs agroécologiques l’année dernière, il constate les mêmes résultats qu’Adama sur sa production : « j’ai eu de très bons rendements et aucun problème. Je suis convaincu par cette démarche et je vais continuer la sensibilisation au niveau du village pour que les gens arrêtent les produits chimiques. » Non content d’être le facilitateur du champ-école, ce dernier joue donc également le rôle d’ambassadeur des pratiques durables apprises avec le projet Thiellal auprès de sa communauté.
Augmentation de la productivité, meilleur goût et moins de risques pour la santé et l’environnement : les résultats sont sans appel et encouragent les paysans et paysannes comme Ousmane et Adama à poursuivre dans cette voie, et à faire la promotion de ces pratiques autour d’eux.
Zoom | Projet Thiellal
Le projet Thiellal est mis en œuvre dans 4 communes du département de Vélingara. Il vise à concrétiser l’approche « One Health » (une seule santé) en vue d’une transition agroécologique et d’une meilleure santé des populations, des animaux et de l’environnement. L’innovation du projet réside dans une démarche participative qui inclut une large diversité d’acteurs locaux de différents secteurs (agriculture, élevage, médecine humaine et animale, environnement) pour faire émerger, prioriser puis traiter durablement les problématiques de santé.